LUMINOTHÉRAPIE ARCHITECTURALE | 2021-2022
Intervention à l’intérieur du Oil Store du Bâtiment 7 à Pointe-Saint-Charles
Été 2021
Intervention sur l’enveloppe d’une ancienne école abandonnée à Pointe-Saint-Charles
Été 2021
Matériel de décoration de Noël, lumières incandescentes et DEL, structures métalliques.
Dimensions variables.
Autre intervention en cours de production.
Merci à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec.
Dans la continuité des projets en relation avec l’architecture tels que Parasitage et Contamination, je poursuis une réflexion sur la valeur du patrimoine architectural montréalais ainsi que sur nos moyens de le célébrer. Dans la foulée, je mets également en évidence des questionnements relatifs aux archétypes des décorations hivernales qui entrent en relation directe avec cette architecture.
Tant de constructions singulières ont traversé les époques et demeurent pourtant effacées ou en retrait. La création d’une composition particulière à l’aide d’une multitude d’objets lumineux assemblés de manière redondante qui puisse clairement signifier un geste qui va au-delà de la décoration. J’étudie depuis un moment la tradition des décorations hivernales extérieures. J’observe avec curiosité les différentes façons de faire, parfois simples et parfois plus élaborées ou encore carrément excessives. Je m’intéresse à tous les ornements qui décorent les devantures des domiciles en hiver, des simples lumières multicolores aux répliques d’animaux en plastique, en passant par la gamme complète des possibilités décoratives.
Au final, ce projet consiste en la transformation du bâtiment choisi en une installation in situ composée d’un amalgame hors norme de décorations hivernales en mesure de surprendre le regard du passant. Il s’agit encore une fois d’établir une anomalie qui se greffe au construit, de redéfinir une parcelle de paysage urbain en interpelant le passant et en bousculant ses références quotidiennes. Cette parcelle, ce lieu précis, ce bâtiment, est dénaturé et « réveille » le visiteur, lui accordant un rôle de cellule vivante : celui-ci entre alors dans la composition de l’œuvre lorsqu’il s’approche de l’installation. Un geste créatif improbable, mais accessible.
Comme la majorité de mes installations, celle-ci investit l’espace, en s’emparant d’une portion d’horizon et en faisant oublier, à première vue, la signification première des objets répétés. La matière accumulée devient texture et architecture au même titre qu’un mur de briques, qu’une voûte de pierres ou même qu’une série de fenêtres alignées sur une façade. Ici, les éléments qui couvrent un petit bâtiment, son intérieur abandonné ou même sa devanture, ce sont les divers objets de décoration. Parmi cet ensemble imposant d’éléments qui se côtoient, on retrouve entre autres plusieurs longueurs de lumières qui tissent des lignes diagonales comme si elles voulaient emballer le lieu. Dans leurs entrelacements se trouvent aussi, étranglés, des bonshommes de neige et des pères Noël gonflés par leurs ventilateurs ainsi que d’autres personnages typiques. Ces derniers sont malmenés et aspirés bien malgré eux dans cette extravagance étincelante et sirupeuse.
Telle une maladie architecturale, ce parasitage établit un dialogue avec le bâtiment affecté. Le patrimoine architectural montréalais n’étant malheureusement pas conservé comme il pourrait l’être, de nombreuses constructions notoires d’époque sont laissées à l’abandon ou sombrent dans l’oubli. Une surdose de décorations vient donc mettre en lumière avec ironie cette cause patrimoniale. Dans cette intervention, les archétypes de Noël sont surexposés de manière à réfléchir sur ce que l’on perçoit comme des exemples de bon ou de mauvais goût, comme pollution visuelle ou comme apport de vie et de gaieté, sur l’influence qu’a pris le kitsch dans la culture de la décoration ainsi que sur l’importance exponentielle que prend la lumière artificielle dans nos vies.
Des questionnements secondaires tels ceux relatifs à l’efficacité technologique peuvent aussi faire surface : Est-ce que la consommation minime d’énergie des lumières DEL en justifie l’utilisation d’un aussi grand nombre? Quels sont les effets produits par l’intégration des DEL multicolores sur les nouveaux bâtiments, les nouvelles infrastructures ? Comment le folklore décoratif du temps des fêtes a-t-il muté ? Au final, cet enchevêtrement lumineux semble dangereux par son excès en demande d’électricité. On peut y voir un clin d’œil contradictoire aux messages nous indiquant de réduire notre consommation d’électricité en hiver. De toute évidence, l’intervention est l’inverse d’un exemple d’efficacité énergétique et nous indique plutôt un exercice de chaos.