INFILTRATIONS | 2020
Musée d'art de Joliette 20/09/2020 au 25/04/2021
Une série d'œuvre produites récemment infiltrent l'institution sous le thème de la crise des matières résiduelles ayant comme dénominateur commun l'idée du cycle.
Est-ce que la période de confinement qu’on a connue en début d’année 2020, alliée au contexte actuel où l’utilisation de gants, de masques, de contenants et de sacs jetables s’accélère, bouleversera de manière durable nos habitudes de consommation, au point d’exacerber la crise environnementale? L’intervention PEHD-19 fait réfléchir aux croisements entre les crises environnementale et sanitaire en rappelant que l’être humain ne vit pas en vase clos et que ses gestes ont des répercussions dont on ne suspecte pas toujours les effets, les découvrant, malheureusement, parfois trop tard. Lorsque qu’on sait que la présence de microparticules de plastique dans l’eau et l’environnement est telle que l’être humain en ingère tous les jours, il convient de s’interroger sérieusement sur les conséquences à long terme de son utilisation tant sur l’environnement que sur la santé humaine. Est-ce que cette crise sanitaire nous fera oublier les mesures prises face à la crise environnementale ces dernières années?
ÉTOURDISSEUR no 6 - 2020
Feuillage de plastique, acier, moteur, contrôleur de vitesse
193 x 129,5 x 129,5 cm, collection de l’artiste
Collaboration technique : Pascal Dufaux
PEHD-19 - 2020 (Intervention sur l'enveloppe architecturale)
Installation in situ, polyéthylène haute et basse densité, silicone
Dimensions variables, collection de l’artiste
L’installation PEHD-19 est réalisée à partir de plastique recyclé récupéré dans un centre de tri. Envahissant les façades du bâtiment, des pastilles circulaires multicolores – rappelant le symbole de l’arc-en-ciel repris sur les médias sociaux et dans l’espace public depuis le début de la crise du coronavirus – se multiplient. Les pastilles sont composées de milliers de petits fragments de plastique amalgamés afin de réaliser une matière dense ayant le potentiel de laisser filtrer la lumière. Leur accumulation fait réfléchir au fait que cette matière largement utilisée se répand partout dans l’environnement. Interprété dans le contexte actuel, le projet de parasitage suggère le schéma de contagion d’un virus qui se transmet par vagues.
CHANDELIS D’ÉTHYLÈNE - 2020 (installation dans l'atrium)
Polytéréphtalate d’éthylène (PET), aluminium, filin d’acier, fils de nylon
426,7 x 304,8 x 304,8 cm
VALEUR DE L’INDICE - 2019-2020
Polytéréphtalate d’éthylène (PET) moulé
Dimensions variables, collection de l’artiste
Quelles sont nos priorités? Quels principes orientent nos actions et nos choix? Dans le contexte actuel, où la crise sanitaire de la COVID-19 a mené à des bouleversements sans précédent de nos modes de vie dus à une réaction rapide des gouvernements en place, il y a lieu de se demander pourquoi, face à cette autre menace importante qui est celle de la crise climatique, les pouvoirs politiques font preuve de lenteur. Les risques économiques servent souvent d’excuse pour justifier la faiblesse de la réponse des gouvernements relativement au réchauffement climatique. Ironie du sort : alors que le gouvernement fédéral promettait enfin d’agir en s’engageant à interdire les plastiques à usage unique d’ici 2021, en plus de rendre les entreprises responsables de leur production de déchets de plastique, le contexte actuel ne semble plus favorable à la mise en place rapide de cette politique. Bien que la mesure obtenait l’appui de 70 % de la population l’an dernier, cet appui n’est plus que de 58 % depuis le début de la pandémie, selon un sondage réalisé par des chercheurs de l’Université Dalhousie. Pourtant, moins d’un dixième du plastique produit au Canada est recyclé et l’on constate une recrudescence de son utilisation dans le contexte de la lutte au virus. L’or agit souvent comme valeur refuge en temps de crise, ce qui se confirme présentement avec le cours du métal ayant atteint cet été son plus haut niveau depuis 2011. Les lingots de particules de plastique réalisés par Philippe Allard se veulent ironiques : pourquoi continuons-nous à favoriser l’utilisation du plastique alors que ses effets néfastes sur l’environnement ne sont plus à démontrer? Est-ce que le plastique sortira redoré de la crise sanitaire?
PROGRESSION INITIATIQUE - 2019
Attaches à pain, acrylique
116,8 x 116,8 x 5,1 cm, collection de l’artiste
DÉBORDEMENTS 14 % - 2020
Polytéréphtalate d’éthylène (PET), polyépoxyde, cadre trouvé
160 x 46 x 223 cm, collection de l’artiste
TÉLESCOPAGES – 2015-2016
Vidéo HD, noir et blanc, son 2 min 31 s (en boucle), collection de l’artiste.
Prise de vue, montage et son : Tomi Grgicevic Aide à la production : B-612
Tournée dans un cimetière de voitures accidentées de Repentigny, Télescopages montre une séquence improbable de 25 voitures érigées verticalement à la manière de stèles funéraires qui, mues par un élément déclencheur inconnu, se renversent l’une sur l’autre à la manière de dominos géants. Le calme apparent de la nature qui entoure ce lieu d’entreposage est momentanément suspendu par le craquement de la ferraille et du verre explosant au moment de l’impact des carcasses au sol. L’image des dominos évoque bien l’idée de l’effet d’enchaînement d’une réaction dont les répercussions sont difficilement mesurables dans un environnement où tout est interrelié. Toutefois, la brièveté du choc et le retour à la normale et au calme parlent de notre résilience face aux menaces et de notre capacité à vite passer outre aux signes avantcoureurs d’une catastrophe. Les habitudes de consommation des êtres humains sont problématiques à de multiples niveaux; elles font partie des causes qui engendrent les bouleversements climatiques qui, à leur tour, ont des impacts importants à travers le monde. Comme le précise l’ONU : « La hausse des températures est directement à l’origine de la dégradation de l’environnement, des catastrophes naturelles, des conditions météorologiques extrêmes, de l’insécurité alimentaire et hydrique, des perturbations économiques, des conflits et du terrorisme. Le niveau des mers monte, l’Arctique fond, les récifs coralliens se meurent, les océans s’acidifient et les forêts brûlent. » Le statu quo n’est plus une option. Il faut freiner cet effet domino, notamment en prenant position face à l’industrie pétrochimique, qui tire parti de la crise sanitaire pour redorer son blason et faire du lobby auprès des gouvernements.
ÉTOURDISSEUR no 4
2015 Résidus de caisses de lait, eau, moteur, verre, halogène, acier
188 x 30,5 x 30,5 cm, collection de l’artiste
On parle depuis plusieurs années du « septième continent », une métaphore des amas de plastique qui dérivent dans les cinq océans. La première plaque de déchets a été découverte par hasard en 1997 par le navigateur Charles Moore. Cela fait donc plus de 20 ans que nous sommes au fait de cette situation qui ne fait que s’aggraver avec les années. Si des déchets flottent bel et bien dans les océans, les chercheurs constatent également l’existence de plusieurs « soupes de plastique », des accumulations impressionnantes de fines particules de polyéthylène, de polypropylène et de polytéréphtalate d’éthylène d’un diamètre inférieur à 5 mm. Selon une étude du Fonds mondial pour la nature (WWF) publiée en 2019, un individu moyen ingérerait jusqu’à 5 grammes de plastique par semaine à cause de la multiplication de ces microparticules qui s’infiltrent dans la chaîne alimentaire et l’eau. Ces particules, qui se rejoignent dans l’eau sous l’action des courants, forment d’immenses vortex appelés gyres océaniques. Largement invisibles, les masses assemblées dans ces vortex s’étendent de la surface de l’eau jusqu’à plus de 30 mètres de profondeur. L’installation cinétique Étourdisseur no 4 de Philippe Allard a été créée en écho à ce phénomène. Elle réutilise les résidus de plastique retirés des caisses de lait formant l’œuvre Transition réalisée en 2013 dans le cadre du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Par ce geste, l’artiste intègre l’idée de la récupération à sa propre chaîne de production artistique.